Résumé
Marie-Laurence Raby
Plusieurs auteurs et autrices se sont intéressés à la redéfinition de l’identité des patientes à travers les luttes pour l’avortement et les mouvements d’autosanté féministes (Gardey, 2013; Löwy, 2005; Murphy, 2012; Klein, 2012). Cette communication s’inscrit dans ce courant et interroge la nouvelle identité de patiente mise de l’avant dans les centres de santé des femmes au Québec entre 1975 et 1990.
À partir de la seconde moitié des années 1970, des militantes féministes créent des centres de santé des femmes – mettant en avant une vision politique de la santé – qui tablent sur la relative tolérance de l’État québécois pour mettre sur pieds des services d’avortement, toujours illégaux selon le Code criminel canadien. Ces centres ont la particularité d’institutionnaliser des pratiques d’autosanté féministe. Cette approche – éminemment transnationale – porte un projet épistémologique qui place le vécu des femmes au cœur de la construction des savoirs, dans l’objectif de renverser les rapports de pouvoir qui structurent la santé. Les centres brouillent la frontière entre soignant.e et malade, en accentuant le rôle des profanes avant, pendant et après les avortements, en encourageant les femmes à participer à leur avortement et en créant des ateliers d’autosanté féministe. À travers leurs activités d’avortement et d’autosanté, les centres promeuvent la démédicalisation et la déprofessionnalisation de la santé des femmes, faisant émerger la figure d’une patiente politisée et active et reconfigurant les rapports de soins. Ils s’inscrivent par le fait même au cœur d’une mouvance transnationale.