Fannie Dionne
François Dansereau
Dans les années 1860, le frère jésuite Joseph Jennesseaux rédige un petit dictionnaire manuscrit anishinaabemowin-français pour communiquer avec les peuples autochtones de Sandwich et de Wiikwemkoong, en Ontario. Ce manuscrit, tant dans son contenu que par son contenant, parle de circulation en Amérique du Nord : circulation matérielle et circulation des savoirs. Après avoir été retrouvé dans les papiers d’un de ses confrères au 20e siècle, le dictionnaire a intégré les Archives des jésuites au Canada. Ce n’est toutefois pas la fin de son histoire, puisqu’il a été donné en 2023 au Shingwauk Residential Schools Centre, à Sault-Ste-Marie.
Jennesseaux fait partie du premier groupe de jésuites à revenir au Canada au milieu du 19e siècle. Même s’il est moins présent dans les sources de l’époque, à cause de son statut de frère coadjuteur, on sait qu’il a été l’un des premiers jésuites à apprendre l’anishinaabemowin, d’abord dans la mission sulpicienne du Lac des Deux-Montagnes, puis en Ontario, notamment auprès de communautés autochtones. Pour ce faire, il a consigné par écrit ses apprentissages.
Dans cette conférence, nous présenterons le parcours de Jennesseaux et plus spécifiquement son dictionnaire, qui illustre la circulation du savoir linguistique de l’époque de sa création à aujourd’hui. Cet exemple nous permettra de montrer comment le récit d’un document produit dans un contexte colonial peut être réapproprié par les communautés autochtones concernées. Cette approche se situe dans la déconstruction recalibrée du contrôle de l’information et offre, par le transfert du document, de nouvelles avenues de recherche.