Résumé
Dans ses mémoires, Robert de Roquebrune parle ainsi la noblesse canadienne: «dans ce Québec des dernières années du 19e siècle, l’ancienne société canadienne-française se conservait encore par une espèce de miracle de la durée» (1958, p. 163). Bien que ce soit la grande bourgeoisie industrielle qui occupe désormais le sommet de la hiérarchie sociale, le commentaire de Roquebrune laisse entendre que des descendants de la noblesse de la Nouvelle-France se comptent encore parmi les notables de la fin du 19e siècle. Un constat similaire a été posé par le premier ministre Louis-Alexandre Taschereau lors d’une conférence en 1922 (Grenier, 2019). S’il est indéniable que plusieurs familles nobles ont décliné vers la paysannerie dès la deuxième moitié du 18e siècle (Gadoury, 2013), d’autres familles, telle que les Taschereau (Young, 2014), ont conservé une autorité en exerçant notamment diverses fonctions de pouvoir.
Nos recherches doctorales permettent d’entrevoir que les quelques familles ayant maintenu leur influence sur plusieurs générations sont celles qui ont su s’adapter aux changements tout en maintenant les traditions, comme l’a aussi constaté Marie Zissis dans sa thèse (2022). Bien qu’elles constituent une minorité au sein du corpus, quels sont les indicateurs de la pérennité de leur autorité ou de leur prestige? La notion de service au roi se transforme-t-elle vers le service civil? Les professions exercées démontrent-elles une affiliation aux groupes élitaires? Cette communication propose d’observer les milieux professionnels dans lesquels les descendants nobles se retrouvent et s’ils exercent des fonctions de pouvoir durant le long 19e siècle. Nous tenterons d’observer si ces quelques familles distinctives perpétuent, sur le plan professionnel, des caractéristiques identitaires propres à la noblesse d’Ancien Régime et si elles revendiquent ou non une certaine appartenance à la lignée de leurs ancêtres.