Résumé
Michel Thévenin
Les documents personnels émanant d’officiers, civils comme militaires, servant dans les colonies françaises au 18e siècle témoignent très souvent d’un désamour marqué pour le service colonial. Le climat, l’éloignement de la métropole – et surtout de la Cour, lieu d’accélération ou de ralentissement des carrières par le jeu des clientèles –, la modicité et/ou l’irrégularité de la paye, tout semble faire d’une affectation aux colonies un service pour le moins peu enviable. Ces récriminations contre le service colonial sont particulièrement présentes sous la plume des officiers de l’armée française venus combattre en Nouvelle-France entre 1755 et 1760. Je propose dans cette communication de présenter le rapport au service colonial entretenu par un type particulier d’officiers, à savoir les ingénieurs militaires envoyés en Nouvelle-France dans la décennie 1750. En questionnant les pratiques habituelles de mobilité des ingénieurs en France et en Europe, il est possible de voir une évolution dans la perception par les ingénieurs du service dans les colonies. Au-delà d’un discours convenu mêlant ton larmoyant et mise en valeur de ses propres mérites dans un contexte difficile, en vue d’obtenir un rappel en France dans des postes plus lucratifs, les parcours professionnels de ces ingénieurs montrent l’existence de carrières intégrant de plus en plus une ou des affectations dans les différentes colonies françaises d’Amérique, au point de développer pour certains ingénieurs une réelle expertise du service des fortifications en contexte colonial.