Résumé
Documenter ma mémoire d’infirmière et la croiser avec les archives liées à la Commission d’enquête sur l’administration et le fonctionnement de l’Hôpital Rivière-des-Prairies s’inscrit dans une démarche inspirée de celles de Rose-Marie Lagrave, Annie Ernaux, Micheline Dumont: restituer une version de leur propre trajectoire de femme, féministe, intellectuelle. Elles ont proposé une conversation ou un dialogue animés par ce désir de «reconvoquer» et de revivre au plus près les expériences passées. La mienne ici sollicitée est celle de la jeune infirmière psychiatrique que j’ai été à l’Hôpital Rivière-des-Prairies.
À travers le filtre de ma mémoire nourrie par le fonds de la Commission Shadley (1985-1986) – 1.92 mètre de documents textuels – cette communication revient sur un bien triste épisode de l’histoire de l’institution pédopsychiatrique qui a retenu l’attention des grands médias et mené, en 1985, à une enquête publique. La journaliste Arianne Lacoursière dans Pierre Ménard. Le missionnaire du droit (2023) s’y réfère en relatant les souvenirs de l’avocat, sur sa première cause «David contre Goliath à Rivière-des-Prairies» dans laquelle il représentait les parents des jeunes patient.es. Si la commission n’a pas réussi à démontrer que les allégations de trafic de drogues et de prostitution étaient fondées, maître Ménard a contribué à dévier l’enquête pour faire le procès de la désinstitutionnalisation et attaquer férocement l’institution. C’est dans ce contexte que j’ai été engagée comme infirmière à l’Hôpital Rivière-des-Prairies et, sans le savoir, que mon enquête sur le sort des enfants différents s’amorça.