Résumé
Stéphane Roussel
Médérik Sioui
La crise Kanehsatà:ke/Oka, qui s’étend de juillet à septembre 1990, a durablement marqué les esprits, tant chez les Premières Nations que dans la société québécoise francophone. Le but de cette communication est d’identifier les aspects de ces mémoires qui touchent à la paix et à l’usage de la force chez ces différents groupes.
Les événements de l’été 1990 forcent la société québécoise francophone à examiner ses relations avec les Premières Nations, ceci dans un contexte marqué par un fort soutien au projet souverainiste. La crise ouvre certainement, à terme, la voie à la nécessité de conclure des ententes durables avec les Premières Nations (telles que la « Paix des Braves » de 2002), mais aussi à un sentiment de méfiance chez certains; la question de la « sécurité intérieure » s’ajoute aux autres interrogations soulevées par le projet souverainiste. La crise exacerbe aussi les tensions avec la majorité canadienne-anglaise, tant les perceptions de la situation et des responsabilités sont différentes. Par ailleurs, la crise semble marquer le point de départ d’un changement d’attitude à l’égard des Forces canadiennes, phénomène qui tend à se confirmer par la suite, soit une très nette amélioration de la perception qu’entretient la société québécoise à leur égard.
Pour les Premières Nations, la crise Kanehsatà:ke/Oka s’inscrit dans la mémoire comme un acte de résistance et d’affirmation nationale qui, lui aussi, va continuer à s’affirmer au cours des décennies suivantes. Ces événements sont aussi un choc, alors que la violence et le racisme à l’égard des Premières Nations sont révélés au grand jour. Enfin, la crise ouvre un questionnement sur l’usage de la force et la légitimité des armes dans ce processus d’affirmation, soit une mémoire qui oscille entre la « légitime défense » et la nécessité de maintenir l’expression des revendications dans la sphère politique.
La crise et l’usage de la force auquel elle donne lieu soulèvent la question, tant pour la société québécoise francophone que pour les Premières Nations, du contenu des « leçons » qu’en retiennent leurs mémoires collectives. Ainsi, quelles sont les conditions considérées comme nécessaires pour éviter la répétition de tels événements et pour maintenir des rapports pacifiques?
Cette communication s’inscrit dans deux programmes de recherche étroitement liés, soit celui sur « Penser et agir pour la paix au Québec » et celui portant sur « Les cultures stratégiques des Premières Nations et de la société québécoise ». La réflexion proposée ici s’appuie non seulement sur une revue de la documentation, mais aussi sur une recherche de terrain effectuée par les auteurs au cours de l’été 2024.