Résumé
Vincent Auffrey
À partir des années 1930 se formule au Québec francophone la notion d’un eugénisme catholique. Il se distingue de celui avancé par les eugénistes américains et canadiens-anglais du fait qu’il s’oppose à la stérilisation et au birth control. Cet eugénisme catholique propose d’ailleurs un rapport différent avec l’État, mettant en valeur la nécessité d’éduquer les parents en matière d’hygiène et d’hérédité plutôt que de leur imposer un eugénisme « négatif », axé sur la limitation des naissances et la coercition. Les principaux tenants de cette forme d’eugénisme se trouvent surtout à l’Université de Montréal et dans les diverses institutions scientifiques qui s’y rattachent. Ils s’inspirent d’eugénistes et de généticiens d’origine américaine et britannique, mais aussi de scientifiques, de médecins et de moralistes catholiques (surtout français, italiens et belges) qui se sont penchés sur la question au cours de l’entre-deux-guerres. Bien que le pape Pie XI se soit prononcé contre la stérilisation eugénique dans sa fameuse encyclique Casti Connubii (1930), la position du Saint-Siège à l’égard d’autres formes d’eugénisme est restée ambiguë et a été l’objet de débats importants dans de nombreuses universités catholiques d’Europe. Cette communication cherche à situer la formulation de cet « eugénisme catholique » au Québec parmi les nombreux mouvements eugénistes nationaux qui se sont développés à la même époque et qui sont parvenus à imposer leur vision de l’eugénisme dans leurs propres localités. Elle s’intéresse particulièrement aux aspects transnationaux de la circulation du savoir en contexte catholique.