Résumé
Au Québec et au Canada, les relations entre l’industrie et les chercheurs universitaires se sont intensifiées tout au long du 20e siècle. Or, la collaboration avec l’industrie pose invariablement la question de la répartition des profits matériels découlant des découvertes issues des laboratoires universitaires. À cette question s’ajoute celle de la propriété scientifique. Au cours de cette présentation, nous verrons comment les gouvernements, les chercheurs et les universités espèrent mobiliser le système de brevets d’invention pour faire valoir leurs intérêts matériels. Nous verrons également que, dès les années 1940, le gouvernement fédéral, en vertu d’un technonationalisme opposé au pouvoir des États-Unis, tente de faire en sorte que les découvertes universitaires profitent en premier lieu aux industries canadiennes. Au début des années 1970, il essaie même d’obliger les universités à faire breveter les découvertes issues de recherches subventionnées par la Société canadienne de brevets et d’exploitation limitée, une compagnie de la couronne fondée en 1948, pour octroyer des licences d’exploitation à des industries canadiennes. Selon une logique similaire, plusieurs universités francophones du Québec résistent à cette politique en affirmant leur droit sur la propriété intellectuelle de leurs chercheurs. En plus de convoiter les possibles bénéfices financiers, les universités francophones espèrent prioriser les exploitants québécois, qu’elles jugent noyés dans l’étiquette «canadienne» de la politique fédérale. L’analyse des débats entourant le brevetage universitaire permet de mettre en lumière les intérêts des différents acteurs de la recherche et de montrer que la science est depuis longtemps un objet de convoitise commerciale et de pouvoir national.