Résumé
La déportation acadienne de 1755-1763 a été désignée au moyen de plusieurs expressions. Certains, comme John Mack Faragher, emploient le terme de «nettoyage ethnique» alors que d’autres, comme Ronnie-Gilles LeBlanc, préfèrent «Grand Dérangement». Toutefois, il n’existe aucune étude sur l’ensemble des termes utilisés depuis 1755 en lien avec la persistance de la mémoire acadienne. En réponse à ce silence dans la recherche et en prolongeant le travail de
Dirk Moses sur le «langage de la transgression» (2021), ma présentation démontrera l’impact de la mémoire acadienne sur les mots du discours de la violence à partir du 18e siècle jusqu’à Raphael Lemkin, le créateur du terme génocide dans les années 1940, et révélera les dynamiques de pouvoir ayant déterminé l’évitement de cette problématique mémorielle acadienne dans la recherche. Premièrement, il sera question d’examiner la façon dont l’Abbé Raynal au 18e siècle aborde la déportation acadienne en la décrivant par le biais de termes comme transporter, chasser, détruire, périr, dépeupler, et indirectement, crime contre l’humanité. Deuxièmement, mon exposé traitera de Mrs. Williams au 19e siècle qui prolonge le vocabulaire de Raynal en parlant de la violence anti-acadienne en termes de barbarie, bannissement, expulsion, extermination et choc moral, et étudiera ses successeurs parlant plutôt de déportation, annihilation, atrocité et évacuation. Troisièmement, nous examinerons la mémoire acadienne dans le débat sur le génocide au milieu du 20e siècle et chez Lemkin, et les termes de Lemkin coïncidant avec l’histoire terminologique de la tragédie acadienne. Ma conclusion expliquera comment l’effacement de cette mémoire acadienne en études des génocides résulte de l’inégalité mémorielle engendrée par le pouvoir discursif identitaire.