Résumé
Clint Bruce
L’incorporation de la Louisiane dans le giron des États-Unis, au début du 19esiècle, impose à sa population francophone le défi de l’intégration politique et socioéconomique, sans pour autant que celle-ci se résigne à l’assimilation culturelle ou à la perte de sa langue. Pour les Louisianais d’ascendance acadienne, ce nouveau contexte implique un double jeu : ils accèdent à la nationalité américaine en même temps que plusieurs d’entre eux souhaitent également faire partie de la classe des planteurs créoles. Ma communication examinera cette dynamique sous l’angle de l’éducation en tant que levier d’intégration socioculturelle et de mobilité sociale avant la guerre de Sécession.
À cette époque, le système éducatif est peu développé en Louisiane. Alors que nombre de jeunes Créoles partent étudier en France, d’autres se tournent vers des collèges du Sud supérieur et du Midwest, le plus souvent des établissements catholiques où la langue française jouit d’une certaine présence.
Afin d’élucider ces enjeux, je me servirai d’une étude de cas portant sur la famille Mélançon de la paroisse St-Jacques, entre Bâton-Rouge et La Nouvelle-Orléans. Propriétaire d’une petite plantation de canne à sucre, Constance LeBlanc, veuve Joseph Mélançon fils, envoie quatre de ses fils à St. Xavier College, institution jésuite de Cincinnati, au milieu des années 1840. Trois d’entre eux continuent leurs études à Mount St. Mary’s College, dans le Maryland – où, par coïncidence, leurs ancêtres paternels avaient été déportées en 1755 –, tandis que leur grand frère rentre en Louisiane pour s’occuper de la plantation. Leur parcours éducatif est examiné en tenant compte des débats autour de l’esclavage, très vifs à Cincinnati, ainsi que de la montée du sentiment « nativiste » et anticatholique qui sévit alors.