Résumé
A-t-on imposé de façon quasi automatique la tenure féodale en Nouvelle-France? Est-ce qu’un régime terrien de seigneurs et censitaires découle directement de la concession «en pleine propriété, juridiction et seigneurie» à la Compagnie de la Nouvelle-France (1627)? Il y a lieu d’en douter. La charte de la Compagnie des isles de l’Amérique (1635) concède les colonies antillaises dans des termes identiques, mais la seigneurie ne s’y est jamais implantée. Un examen comparatif, tel que propose la présente étude, des régimes de propriété terrienne dans les colonies françaises de l’Amérique révèle toute la singularité du cas canadien. Aux Antilles et en Louisiane, il y eut des tentatives d’introduire l’institution du fief, mais elles ont échoué, à cause de l’opposition des riches habitants-planteurs. Ce sera plutôt l’allod, une forme de propriété «libre», qui triomphera dans ces colonies méridionales. Lorsqu’on y discute la possibilité d’introduire des seigneuries, on les caractérise parfois d’institution «canadienne». Par ailleurs, le personnage qui a tenté d’imposer les fiefs en Louisiane était nul autre que le gouverneur Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville, né à Montréal dans la colonie canadienne. Les historiens ont l’habitude de considérer le régime seigneurial de la Nouvelle-France en comparaison avec celui de l’ancienne France. Or le contexte américain, mal connu jusqu’ici, permet de jeter une nouvelle lumière sur l’histoire de la propriété terrienne.