Marie-Ange Croft
Le naufrage d’une partie de la flotte de l’amiral anglais Hovenden Walker dans le Saint-Laurent en août 1711 fit grand bruit de part et d’autre de l’Atlantique. La nouvelle parvient rapidement à Plaisance, poste français attaqué par ce qui reste de la flotte britannique. Il faudra plusieurs semaines avant que la rumeur n’atteigne la capitale de la Nouvelle-France, colportée par le témoignage des pêcheurs qui trouvèrent les débris sur les plages. Déclaration notariée, chansons, épopée, célébrations, correspondances sont autant de moyens qui contribueront à alimenter le(s) récit(s). Presque au même moment, Boston, Londres et Paris publient le récit des mésaventures de la flotte dans leurs gazettes respectives, nourries par les rapports, les lettres arrivées par bateaux et par la voix publique. Si certains de ces textes ont été reproduits (revue Littoral, 2011-2012) et analysés sur le plan de la construction historiographique et littéraire (Croft et Nadeau, 2023; Lyons, 2013), l’ensemble de ce corpus anglophone et francophone n’a jamais été envisagé dans son ensemble, et encore moins dans une perspective internationale et transatlantique. Dans la lignée des travaux de Banks (Chasing Empire, 2002), Andrès (Histoire littéraire, 2012) et Martignon (Publier le lointain, 2018), cette étude de cas nous permettra de mieux comprendre les processus à l’œuvre dans la circulation de l’information entre la Nouvelle-France, la Nouvelle-Angleterre et les métropoles, ainsi que le rôle des rumeurs et des gazettes dans la construction des récits en Amérique et en Europe.