Yves Dorémieux
Le groupe de danse folklorique des Gais Manitobains est créé à Saint-Boniface en 1948 pour fournir une « alternative » catholique aux bals locaux, objets de condamnation morale, mais aussi sites d’une mixité religieuse et linguistique menaçant la reproduction de la minorité catholique francophone. Son répertoire, importé du Québec par la venue de formateurs et l’envoi de stagiaires, est constitué de danses internationales typiques des mouvements d’éducation populaire du début du 20e siècle (scoutisme…).
En dormance à partir de 1962, le groupe est refondé en 1970. La nouvelle génération de danseurs s’oriente alors vers la gigue québécoise, perçue lors de stages au Québec comme une nouveauté, et vite diffusée au Manitoba. À partir de 1973, certains membres redécouvrent et collectent les gigues des Métis manitobains. Pour leur tournée en France de 1974, les Gais Manitobains décident de présenter un répertoire propre distinct des répertoires québécois et internationaux, qu’ils puisent dans le folklore métis. Cette identité dansée franco-manitobaine émergente se voit renforcée tant par une réception française positive que par la confrontation mal vécue avec les indépendantistes québécois lors de la Superfrancofête à Québec (1974). Leur spectacle Mon Pays met en scène en 1975 le Manitoba des francophones par une suite de tableaux enchaînant danses des Premières Nations, puis métisses, puis canadiennes-françaises; un critique, cependant, remarquera l’omission des pionniers français. Au début des années 1980, le groupe, renommé Les Danseurs de la Rivière Rouge en 1978, entamera une démarche réflexive, à la recherche de son identité dans sa propre histoire, par une campagne d’entretiens avec ses fondateurs.