Résumé
Depuis quelques années, l’historiographie des fusillés pour l’exemple s’est considérablement développée en France, en Grande-Bretagne et au Canada. Parmi les vingt-six fusillés canadiens de la Première Guerre mondiale, sept venaient de régiments québécois, une proportion plus élevée que celle des Québécois dans le Corps expéditionnaire canadien (CEC). Cinq provenaient du 22e bataillon canadien-français, auquel s’est intéressé J.-P. Gagnon. En comparant ce qui se passe au 22e avec d’autres unités (dont le 14e Bataillon anglophone de Montréal, mais avec une compagnie francophone) ou un autre groupe socio-culturel (les immigrants russes enrôlés dans la CEC), on peut saisir autrement ce qui cloche au 22e Bataillon.
Les cours martiales étant perçue comme injustes, le déroulement des procès de déserteurs « handicapés » par leur langue est à considérer. Il y a aussi que l’Armée britannique étant composée en bonne partie de soldats venus des dominions et des colonies, la question de la responsabilité de la hiérarchie, surtout anglo-anglaise, doit être examinée. À première vue, une explication reposant sur l’insensibilité de la hiérarchie semble d’ailleurs ne pas tenir la route vu la proportion élevée de peines commuées, de sorte qu’en 1918, ce n’est plus l’indiscipline du 22e canadien-français qui paraît problématique, mais plutôt le zèle disciplinaire du bataillon. Cette histoire presque complète des condamnations à mort est rendue possible par la disponibilité en ligne des dossiers du personnel (20 000 consultés par les auteurs au fil des ans) et par l’exploration du corpus entier des cours martiales de 14-18 (plus de 14 000).