Résumé
Sur les rives du Saint-Laurent, les Laterrière, une famille d’origine languedocienne, se font à la fois marchands, médecins, seigneurs et parlementaires canadiens. De l’autre côté de l’Atlantique, dans les Pyrénées, les Girvès, une famille établie en Cerdagne, sont tour à tour paysans aisés, trafiquants de bétail, avocats et agents du roi de France. Ces deux maisons connaissent une importante ascension sociale à la faveur de conquêtes territoriales, respectivement la prise du Canada par la Grande-Bretagne confirmée en 1763 et l’annexion d’une partie de la Cerdagne par la France en 1659. En nous inspirant des travaux de Brian Young sur les Taschereau et les McCord, nous effectuerons une analyse comparative, internationale et diachronique de ces deux familles issues des élites «subjuguées» entre les 17e et 19e siècles. Il s’agira notamment d’étudier leurs trajectoires socio-économiques, politiques, mais aussi culturelles en les situant dans leur cadre colonial ou impérial. Ainsi, nous nous demanderons dans quelle mesure ces familles sont capables de s’adapter voire de s’intégrer au changement de pouvoir qui les affecte. Dans une perspective intersectionnelle, nous serons sensibles à l’articulation entre hiérarchies de possession, de statut et d’ethnie dans ce double contexte de domination britannique et français. Il sera question du niveau d’acculturation de ces familles, mais aussi de leurs stratégies de revendication identitaire. Enfin, il s’agira d’interroger leur rôle auprès des autorités coloniales et impériales, que ce soit comme relais local de leur domination ou, au contraire, comme classe dangereuse à surveiller.