Résumé
Jane Jenson
Les recherches sont nombreuses à propos de la reproduction de la famille agricole par la transmission des biens, en particulier au Saguenay et sur d’autres fronts pionniers hors de la zone seigneuriale. Dans les années 1980-1990, les travaux inspirés des théories structuralistes faisaient de la famille une sorte de boîte noire et lui attribuaient l’intention prioritaire de se reproduire tout en maintenant une vocation agricole. Cette communication interroge cette vision en étudiant les pratiques de migration vers un front pionnier où l’installation de plusieurs enfants adultes était moins difficile que dans le territoire seigneurial avec ses terroirs « saturés ». Elle porte sur les familles qui quittent les vallées du Richelieu et de la Yamaska (notamment la zone s’étendant de Saint-Hyacinthe à Saint-Césaire) pour les cantons de Stukely et d’Orford avant 1855. La communication a deux objectifs : identifier les stratégies de transmission et créer une typologie des résultats. Les données permettant de recomposer les trajectoires de vie sont tirées du greffe de l’unique notaire du lieu (Charles Têtu fils) ainsi que des recensements, des registres de l’état civil et d’autres documents publics du Québec, du Canada et des États-Unis. Dans l’ensemble, l’analyse démontre que les choix des enfants les détournent de la vie rurale au profit de la vie urbaine aux États-Unis ou à Sherbrooke. La colonisation a bel et bien eu lieu, mais pas nécessairement selon les postulats longtemps défendus par les recherches à propos de la reproduction familiale ni selon les espoirs des parents en matière de transmission des terres.