Emile Duchesne
En 1706, Augustin Le Gardeur de Courtemanche, responsable du poste de la baie de Brador, accueille à son poste 30 familles dites « montagnaises » pour subvenir à ses besoins de main-d’œuvre. L’utilisation de l’ethnonyme Montagnais a de quoi surprendre car, à l’époque, son utilisation se limitait aux régions orientales du territoire innu, soit Tadoussac, le Saguenay et Québec. L’histoire orale innue de la Basse-Côte-Nord garde elle aussi le souvenir d’une migration ancienne à partir de la région de Québec, alors il est tout à fait possible que les 30 familles montagnaises soient bel et bien originaires de cette région. D’un point de vue démographique, on devine que leur nombre était imposant car, quelques décennies plus tard, on recense de 80 à 100 familles pour toute la région à l’est de la baie de Sept-Îles. En plus d’être nombreuses, les 30 familles « montagnaises » se distinguent des groupes innus déjà sur place : elles ont plus d’intérêt à travailler au poste et elles demandent avec empressement un missionnaire pour leur besoins religieux. Cette communication vise à montrer comment l’arrivée de ces familles a pu transformer la dynamique culturelle de la région. Ce faisant, il sera question de prolonger une discussion entamée par l’ethnolinguiste Josée Mailhot sur la sémantique des ethnonymes imposés aux Innus par les autorités coloniales. L’hypothèse défendue sera que l’expansion de l’ethnonyme Montagnais ne découle pas seulement d’une imposition arbitraire mais aussi de mouvements de populations et de l’expansion d’un projet moral basé sur l’adoption du catholicisme.