Résumé
Roberto Perin
L’immigration fait couler beaucoup d’encre. Ici comme dans tout le monde occidental, l’arrivée massive d’immigrants en provenance du Sud global provoque souvent la frayeur ainsi que l’angoisse face à la perspective d’un changement radical des valeurs et du mode de vie existants, voire de l’extinction de la société d’accueil elle-même. Malgré un discours vantant la diversité, cette société s’attend à ce que les étrangers, caractérisés communément par leur attachement immodéré à la culture d’origine, s’assimilent sagement et sans ambages. Ces perceptions et ces attentes détonnent pourtant avec la réalité migratoire qui est une adaptation continue au changement. Les critères surtout linguistiques qu’ont au fil des ans créés les spécialistes afin de mesurer cette adaptation se révèlent inadéquats pour saisir un parcours complexe, irrégulier et mouvant. Dès leur arrivée et même avant l’apprentissage d’une nouvelle langue, les immigrants affrontent une réalité matérielle différente de celle qu’ils ont connue jusque-là et à laquelle ils doivent s’ajuster. Plus tard, cet ajustement s’opère aussi sur le plan linguistique et culturel. L’hybridité qui en résulte est le fait non seulement de la génération migratoire, mais de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Elle s’exprime bien sûr de façon différente dans chaque génération, le pays d’origine devenant un référent davantage abstrait et symbolique. Certes, certains immigrants peuvent refuser de s’adapter ou le pays d’accueil peut entraver ce processus, il n’en reste pas moins que la très grande majorité d’entre eux souhaite une intégration harmonieuse et respectueuse de leur personnalité collective.