Résumé
Le Rapport Durham et son auteur sont des objets de mémoire omniprésents dans le récit historique populaire des francophones d’Amérique. Durham y apparaît comme métaphore de l’impérialisme britannique, cet «autrui significatif du Québec» (Laniel et Thériault 2021; Chevrier 2021). Nous revisiterons cette construction mémorielle en la croisant et en la comparant avec une seconde mythologie durhamienne, celle-là moins connue, et qui prend forme au Royaume-Uni et en Afrique du Sud pendant la «Reconstruction». Cette période, qui, en histoire sud- africaine, fait suite à l’antagonisme militaire anglo-afrikaner de 1899-1902, se caractérise par une activité étatique et impériale accrue. Elle est associée, sur le plan de la haute administration, au gouverneur Alfred Milner. Milner et sa coterie constateront des parallèles entre lui et Durham, alors proconsul chargé de faire rapport et de réformer les Canadas à la suite des rébellions de 1837-38, ainsi qu’entre les contextes canadien et sud-africain. Il en résultera une redécouverte de Durham en Afrique du Sud et au Royaume-Uni, notamment via la première réédition de son rapport par un proche de Milner et les débats sur l’importance du Rapport Durham et de l’histoire canadienne, tant dans la presse qu’aux Communes britanniques.