Résumé
Pendant la deuxième moitié du 19e siècle, la ville de Montréal exerce un pouvoir d’attraction considérable sur les populations rurales québécoises. Cette migration de ruraux, surtout canadiens-français, est généralement associée à la forte poussée industrielle que connaît alors la ville. Rares toutefois sont les études qui proposent une analyse de l’expérience migratoire des nouveaux urbains et qui scrutent leurs modalités d’insertion dans l’économie et la société urbaine. Il faut certes, à cet égard, souligner l’apport des travaux de Sherry Olson ainsi que ceux de Peter Bischoff. Il s’agit toutefois d’études qui examinent des groupes ayant en commun des racines familiales, socio-professionnelles ou géographiques qui sont antérieures à la migration.
La recherche qui alimente cette communication adopte une autre approche. Elle souhaite mettre à l’avant-plan une activité économique urbaine particulière, soit la fabrication et le commerce du pain, un secteur longtemps marqué par la place prépondérante de la petite entreprise et par sa résistance, surtout en milieu canadien-français, à la grande bourgeoisie industrielle. Il s’agit dès lors de retenir comme focale les acteurs de ce secteur en milieu d’accueil pour chercher à cerner la place qu’y occupent les migrants, leurs modalités d’insertion dans la boulangerie et, plus largement, dans la vie urbaine. L’approche retenue privilégie la reconstitution des biographies spatiales des maîtres-boulangers implantés dans les quartiers de l’Est montréalais, château-fort de la petite boulangerie indépendante jusqu’aux années 1930. Les cohortes des années 1880 et 1890 sont étudiées à partir d’un large éventail de sources, dont les microdonnées historiques de la population québécoise.