Résumé
Simon Balloud
En quête d’un refuge après le vote de lois anticongréganistes (1901-1904) en France, les Filles de la Croix s’installent au Manitoba en 1904, puis en Saskatchewan l’année suivante. La congrégation y prend en charge plusieurs écoles et couvents au sein de paroisses francophones. Dès 1905, à l’appel des Oblats de Marie-Immaculée (OMI), les religieuses travaillent également dans trois pensionnats autochtones. Comment ces religieuses étrangères s’insèrent-elles dans un contexte missionnaire et colonial inconnu et comment s’y adaptent-elles individuellement et collectivement? Cette communication apportera des éléments de réponse à ces deux questions.
Après avoir brièvement présenté le processus d’implantation des Filles de la Croix dans les Prairies, il s’agira surtout d’étudier la manière dont les religieuses françaises participent à l’entreprise coloniale de sujétion des populations autochtones et de comprendre pourquoi elles demeurent aussi peu de temps dans les trois pensionnats pour Autochtones où elles travaillent sous la direction des OMI? Les Filles de la Croix sont en effet remplacées par des religieuses canadiennes dès 1908 à Fort Pelly et dès 1914 à Fort Alexander et Sandy Bay. Comment expliquer ce retrait qui ressemble à un échec? Est-il imputable à un manque de compétences ou relève-t-il plutôt d’un choix délibéré? Plus largement, comment des religieuses soumises à de fortes contraintes normatives de genre parviennent-elles à redéfinir leur capacité d’agir en contexte missionnaire? Les archives laissent entrevoir des relations très conflictuelles entre les religieuses et les OMI, souvent français eux aussi, qui les dirigent. Ainsi, il s’agira de ne plus considérer les religieuses uniquement sous l’angle de leur seule vocation et d’historiciser leurs vécus en tant que femmes, migrantes, étrangères, religieuses et missionnaires.