Alex Gagnon
Contrairement à ses homologues européenne et américaine, l’historiographie des chemins de fer du Canada et du Québec s’est rarement aventurée hors des sentiers de l’histoire économique et politique. Les dimensions sociales, culturelles, sensibles de la vie ferroviaire, qui ont pourtant largement marqué l’expérience des populations d’autrefois, sont restées jusqu’ici peu connues. Des recherches récentes et en cours, qui émanent de divers chercheurs et chercheuses, ont cependant amorcé l’exploration de ces phénomènes à partir de perspectives qui renouvellent à la fois l’histoire canadienne des transports et celle, plus largement, du processus de modernisation.
Dans le sillage de ces travaux actuels, ma communication s’intéressera aux relations entre sociabilité et mobilité à partir d’une étude de la vie sociale des wagons et des gares, au Québec, dans le premier demi-siècle qui suit l’avènement du chemin de fer sur son territoire (1836). Le type de mobilité inédit que fait émerger le train, au milieu du 19e siècle, entraîne l’apparition d’espaces nouveaux (les wagons, les gares) dans lesquels se croisent, se rencontrent et se heurtent des populations variées qui doivent apprendre à y cohabiter harmonieusement. Je restituerai ce processus en examinant deux phénomènes : les interactions entre les voyageurs eux-mêmes, qui font l’objet d’une réflexion normative sur les bons et mauvais usages du wagon, sur les comportements sociaux à tenir ou proscrire; les interactions entre les passagers et le personnel de bord, qui engendrent de nombreuses plaintes dans lesquelles se développe une réflexion collective sur le service à la clientèle.
La presse (systématiquement dépouillée) et les archives des instances gouvernementales (provinciales comme fédérales) impliquées dans l’administration de la vie ferroviaire seront les principales sources exploitées.