Maxime Lalo
En août 1961, une soixantaine d’Innus de Pakuashipi arrivent à bord du bateau North Pionneer pour s’établir dans la communauté d’Unamen Shipu [La Romaine, Basse-Côte-Nord], reconnue comme réserve depuis 1954 et située environ à 250 km à l’ouest de Pakuashipi. Au printemps 1963, à la suite de promesses non tenues des autorités politiques et religieuses (construction de maisons, meilleurs services, accès à des territoires de chasse), un groupe de quatre familles de Pakuashipi décide de quitter Unamen Shipu pour regagner leur territoire d’origine. Le trajet, qui dure environ un mois et demi, se fait à pied dans des conditions printanières peu favorables, et ce, avec femmes et enfants. Ils réussiront tout de même leur périple, signant l’échec du projet de déportation orchestré par le gouvernement colonial et le missionnaire oblat de la région, Alexis Joveneau. Soixante ans plus tard, la marche de retour à Pakuashipi est officiellement commémorée au sein de la communauté pour la première fois de son histoire, illustrant que l’histoire de la déportation est bien ancrée dans la mémoire collective et la tradition orale des Pakua-shipiunnuat. Cette communication, issue d’entretiens réalisés par le chercheur avec les Innus de Pakuashipi, vise à démontrer que l’histoire de la déportation et sa commémoration sont aujourd’hui des points d’ancrage pour une résurgence de la transmission des savoirs innus et des pratiques culturelles chez les Pakua-shipiunnuat. Cette résurgence est une réponse directe à la déportation et démontre l’agentivité et la résistance des Innus dans un contexte qui visait leur assimilation à la société allochtone.