Résumé
À partir des années 1830, on observe que les Premières Nations au Bas-Canada ont de plus en plus recours à la pratique pétitionnaire pour faire appel à la protection des différents gouverneurs qui se succèdent dans la colonie canadienne. Rédigées par les nations domiciliées dans la vallée du Saint-Laurent aussi bien que par les communautés atikamekw, innues, mi’gmaq et algonquines habitant les régions alors en périphérie de l’État colonial, ces «paroles de papiers» ouvrent des fenêtres sur la nature complexe des rapports politiques que ces nations entretiennent avec le pouvoir impérial et le gouvernement local. À travers une mise en scène de leur statut «d’enfants rouges» ou de «pupilles» revendiquant la protection de leur bon Père le gouverneur, les Premières Nations développent une rhétorique et une mémoire collective qui leur permet de s’insérer dans l’ordre politique colonial. Les pétitions apparaissent alors comme des outils de communication qui permettent à des voix exclues du système politique en place de s’opposer aux pressions de la société coloniale sur leurs territoires. Pour ce faire, elles vont instrumentaliser la politique de gouvernance coloniale humanitaire mise de l’avant par le gouvernement impérial britannique et ses administrateurs dans la colonie. Ces pétitions ne témoignent donc pas d’un rapport de soumission ou de dépendance qui s’établirait au milieu du 19e siècle, mais plutôt de l’effort déployé par les autochtones afin d’utiliser le pouvoir de l’écrit pour engager l’action du gouverneur contre les abus du gouvernement des colons.