Carl Bouchard
Vingt ans plus tard, l’événement reste encore dans les mémoires : le 17 février 2003, dans un froid sibérien, environ 200 000 personnes se réunissaient à Montréal pour protester contre la guerre américaine en Irak. Jamais la province ni le pays n’avait connu, et n’a connu depuis, une telle mobilisation pour la paix. On a pu voir dans ce moment d’opposition à la guerre le symbole d’une longue d’opposition à la guerre, voire la confirmation de la thèse du pacifisme naturel de la population québécoise.
Cet épisode me servira à présenter les bases conceptuelles et historiographiques du chantier de recherche multidisciplinaire (histoire, science politique, sociologie, science des religions) Penser et agir pour la paix au Québec. Comment rendre cohérent le rapport parfois distant, parfois conjoncturel, parfois plus émotif, que l’on entretient avec la paix au Québec? Comment analyser en synergie et dans le temps long les multiples formes de rejet de la violence vécues au Québec, rejet qualifié de pacifisme, d’antimilitarisme ou encore d’anti-impérialisme, mais qui a pu aussi être interprété comme de la passivité ou de l’indifférence? Ces questions sont d’autant plus pertinentes que l’historiographie du pacifisme québécois est quasi inexistante, notamment en raison du caractère multiforme de l’engagement pour la paix, laquelle peut pourtant être considérée, pour utiliser l’expression maussienne, comme un « fait social total » qui relie l’individuel, le collectif ainsi que le social au politique et au culturel.