Résumé
En 1735, dans les pages du Journal de Trévoux, le jésuite Pierre-François-Xavier de Charlevoix esquisse les contours de son ambitieuse Histoire et description générale de la Nouvelle-France qui paraîtra neuf ans plus tard. Pendant plusieurs années, il dirige cette publication importante qui tente, non sans mal, de contrecarrer l’influence grandissante des courants rationalistes, très critiques des dogmes religieux. Ces courants font d’importantes percées chez ceux qui sont à l’origine du courant des Lumières. C’est en partie pour répondre à tous ces sceptiques, que l’on accusait de souscrire au « pyrrhonisme », que Charlevoix se lance dans les recherches et l’écriture d’une première grande synthèse d’histoire de la Nouvelle-France. C’est qu’au début du 18e siècle, une «guerre culturelle» larvée opposait les modernes aux traditionalistes. Ces derniers, pour convaincre une élite cultivée, ne pouvaient cependant se contenter d’asséner des dogmes. Il fallait empiriquement démontrer, en recourant aux méthodes d’une histoire critique naissante, l’existence de Dieu. Or aux yeux de Charlevoix, cette présence s’était manifestée en Nouvelle-France, et à plusieurs reprises. La Nouvelle-France constituait donc pour Charlevoix et tout un clan intellectuel une sorte d’étude de cas qui permettait d’ajouter une pièce à conviction contre les rationalistes qui sévissaient de plus en plus, notamment en Hollande grâce à des éditeurs sympathiques aux idées modernes. Notre communication entend présenter les termes de ce débat et les grandes lignes de la démonstration de Charlevoix, informées par son ambitieuse synthèse.