Résumé
Une image misérabiliste a longtemps dominé l’historiographie québécoise: l’histoire des familles ouvrières, privées de leur agentivité par l’industrialisation, n’aurait été qu’une affaire de survie. Cette communication donne un son de cloche différent. Elle explore l’importance de la propriété au sein des classes populaires. Au début du 20e siècle, Montréal est la capitale des rapports propriétaires/locataires en Amérique. Seulement 2 pour cent des foyers y échappent. Cependant, l’analyse des rôles d’évaluation montréalais ne conforte pas le corollaire du «locataire porteur d’eau». D’abord, la plupart des propriétaires étaient eux-mêmes locataires. Ensuite, parmi la minorité des propriétaires qui habitaient chez eux, les titres professionnels ne sont pas surtout bourgeois. Bien que les travailleurs d’usine soient notablement absents, la place est prise par des épiciers, des boulangers et des bouchers, d’une part, et des plombiers, des électriciens et des mécaniciens de l’autre. L’importance de ces gens des classes populaires appartenant soit à des professions peu affectées par l’industrialisation, soit à de nouvelles professions nées de l’industrialisation souligne la nécessité de revoir la pertinence d’une catégorisation simpliste qui distingue les sans-métier, les ouvriers semi-spécialisés et les gens de métier. La complexité des rapports de pouvoir au sein des classes populaires requiert une analyse historique plutôt que sociologique. Une analyse où les rapports de genres et l’environnement local seront pris en compte.