Résumé
Il peut sembler étonnant qu’une figure patriotique comme Louis-Joseph Papineau ait pu considérer l’annexion du Bas-Canada aux États-Unis comme un avenir national désirable. La perplexité à cet égard se manifeste dans l’historiographie québécoise, du début du 20e siècle à aujourd’hui. L’incompatibilité du projet annexionniste et du nationalisme semble évidente. Cependant, on peut se demander dans quelle mesure ce jugement tient compte de l’ensemble des motivations des annexionnistes. À l’instar du sociologue Stéphane Kelly, nous estimons que l’annexionnisme a trop souvent été réduit à «une réaction émotive, illogique et irrationnelle». Cette communication souhaite mettre en lumière la logique du discours annexionniste canadien-français tel que formulé au 19e siècle et sa compatibilité relative avec la question nationale. Si cette position politique comporte sa part d’incohérence et de naïveté, le même reproche pourrait être adressé aux partisans du lien colonial ou de la Confédération. Après tout, dans la foulée des Rébellions réprimées de 1837-1838, l’ensemble des options politiques sont marquées au sceau de l’incertitude. Nous nous appuyons ici sur l’historiographie et sur un corpus choisi des principaux écrits (débats, conférences, manifestes, essais) annexionnistes et antiannexionnistes, dans l’objectif d’illustrer leur évolution, leur diversité et leur interaction sur le long terme, en nous attardant sur quelques-uns des personnages politiques et intellectuels emblématiques de l’époque (Louis-Joseph Papineau, Étienne Parent, Louis-Antoine Dessaulles, Joseph-Charles Taché, Hector Fabre, Honoré Mercier, etc.).