Résumé
Les émeutes contre la conscription qui ont embrasé la ville de Québec au printemps 1918 ont marqué la mémoire collective, notamment par la brutalité de leur répression. Se soldant par quatre morts et des dizaines de blessés, ce face-à-face entre la population et l’armée a amené les historiens à questionner la responsabilité du pouvoir politique et de la milice dans son dénouement tragique. Parmi eux, certains ont mis en relief le caractère disproportionné de la réplique gouvernementale contre les insurgés qui mobilisa des milliers de soldats (Provencher, 1971). D’autres ont expliqué cette approche musclée par l’urgence d’écraser définitivement l’opposition à la conscription devant la fragilisation du front européen et faire ainsi face au besoin accru de renforts en Europe (Auger, 2008). Cette communication propose de braquer le projecteur sur l’un des angles morts de cette historiographie, soit le rôle de la Police du Dominion, un acteur pourtant majeur de la crise, notamment à travers le travail des agents spécifiquement assermentés pour faire respecter la Loi du Service militaire et pourchasser les réfractaires. Surnommés «spotters», ces intervenants ont alors piètre réputation et leurs méthodes d’intervention jugées peu orthodoxes attirent la vindicte populaire, au point d’en avoir laissé un souvenir tenace dans la mémoire collective. Sur quels éléments cette perception était-elle fondée? Et que nous révèlent les événements de Québec à cet égard? Les renseignement recueillis dans archives de la Police du Dominion et les témoignages issus de l’enquête du coroner Jolicoeur devraient nous permettre d’esquisser un profil du service d’ordre en cause – recrutement, qualifications des effectifs, conditions et méthodes de travail – afin d’en dégager la culture organisationnelle et d’analyser son rôle dans la dynamique de la crise.